Chaque année nous rendons hommage à une personnalité, et en 2015 c’est le pilote le plus charismatique du TT, Guy Martin, que l’on a souhaité honorer…
Si vous suivez un tantinet l’actualité du monde de la moto, vous avez forcément déjà entendu parler de Guy Martin. Avec ses rouflaquettes, il est sans aucun doute le pilote de course sur route le plus populaire de sa génération.
« Vous avez sûrement déjà vu ses favoris quelque part… »
Il est pourtant le Poulidor du road racing, accumulant les secondes places depuis le début de sa carrière en 2004. En particulier sur l’Ile de Man où ce pilote anglais détient le record du nombre de podiums sans avoir jamais gagné. Malgré cela, et même s’il n’égale pas les pelletés de trophées des maîtres de la discipline comme John McGuinness ou le regretté Joey Dunlop, son palmarès compte de belles victoires, au Southern 100 et à l’Ulster GP notamment.
« S’il n’a jamais remporté le mythique TT, Guy Martin est bien monté sur la plus haute marche du podium à l’Ulster GP ! »
Ce qui fait de Guy Martin le chouchou du public et des médias ? C’est sa personnalité complètement atypique pour un pilote de cette trempe. D’une simplicité et d’une franchise totales, il est l’anti-star par excellence du milieu de la bécane, un coureur à des années-lumière des divas du Moto GP aux ego surdimensionnés et aux discours ultra-formatés. Un exemple de l’état d’esprit du bonhomme ? Voyez cette photo de lui au Tourist Trophy 2014, sirotant une « cup of tea » à même le trottoir après que sa Suzuki GSX-R Superstock ait rendu l’âme en course.
« Rien de tel qu’une petite tasse de thé pour oublier un moteur cassé… »
Ajoutez à ce caractère authentique une belle gueule et un accent à couper au couteau, et vous obtenez un personnage hors-norme, limite loufoque. Sachez cependant que pour lui la course moto n’est qu’un hobby. Son vrai job c’est mécanicien poids-lourds, métier qu’il exerce depuis l’adolescence dans le garage de son père Ian à Grimsby, le village où il est né.
« Quand il ne court pas sur les routes du Royaume-Uni, Guy répare tout simplement des camions. »
Évidemment cette particularité fait de notre homme un excellent metteur au point de ses machines de course, et lui permet aussi de réaliser lui-même ses délires à deux roues, comme lorsque ce « mécano-pilote » décide de se faire un cafe-racer de 500 ch… Oui, vous avez bien lu ! L’histoire de ce projet fou commence lorsque notre garagiste préféré rachète une prépa à cadre Martek et moteur de Suzuki GSX-R 1100 air-huile de 1991, équipée d’un turbo. Martek était un petit fabricant de châssis spéciaux typiquement britannique, et l’entreprise a connu un bel essor dans les années 90 avec la mode des streetfighters, avant de disparaître au début du nouveau millénaire. Cette bécane que Guy s’offre alors était déjà pas mal aboutie, puisqu’il se contente presque d’en changer le phare et la peinture avant d’en prendre le guidon. A ce stade l’engin cubait 1380 cm3 et développait plus de 300 ch, de quoi se mettre sur la roue arrière en sixième tout en restant outre-Manche parfaitement street legal !
« La Martek-Suzuki de Guy Martin, dans sa première version. »
Mais notre camarade trouve les soudures du cadre alu tellement sublimes, que selon lui seul un moulin de 500 ch peut être à la hauteur. Et il décide donc de remettre la machine sur le métier, avec en point de mire une participation à la fameuse Pikes Peak International Hill Climb 2014. Il remplace alors le turbo par un modèle de la marque BorgWarner, et le raccorde à une magnifique tubulure sur mesure de chez Racefit. Il adapte également une boite de vitesses à six rapports de GSX-R 750, et un embrayage à sec récupéré chez un team de British Superbike. Le précédent propriétaire ayant déjà monté une injection électronique, il ajoute un ECU pour assurer le bon fonctionnement de l’ensemble. Il upgrade aussi le châssis au passage, les suspensions Öhlins de la première mouture cédant leur place à des éléments K-Tech issus de la Suzuki que Guy utilisait en course en 2011. Les freins Brembo sont eux remplacés par un système complet AP Racing prévu pour le Moto2, tandis que les précieuses roues Marchesini de Yamaha R7 déjà présentes sont conservées. Une selle inspirée par la Harley XR et une plaque numéro se chargent finalement de modifier la ligne. Esthétiquement parlant, le résultat est à l’image de son créateur : simple et brut, sans la moindre fioriture.
« La Martek-Suzuki de Guy Martin, dans sa version Pikes Peak 2014. »
On ne sait pas vraiment si les cinq-cents bourrins visés ont bien été atteints, Guy ayant envisagé un temps d’ajouter une injection de nitrous pour aller chercher encore un peu de puissance, avant de se raviser… Il faut dire que la bête est suffisamment efficace ainsi, puisque notre champion a remporté à son guidon la catégorie UTV/Exhibition dans laquelle il concourait. Une victoire pas vraiment simple à décrocher, sa machine ayant connu de sérieux soucis d’alimentation dus à l’altitude, et son assistance se résumant à un pote ravi de l’accompagner.
« Guy Martin, victorieux à la Pikes Peak International Hill Climb 2014. »
Vous le savez sans doute déjà, chez UPDLT on attribue pas le titre de « personnalité de l’année » comme ça, sans conditions. L’heureux élu doit non seulement nous être cher, mais également s’être récemment illustré par une cabriole spectaculaire ! Preuve que notre lauréat roule bien avec « un pneu dans la tombe »… Et en matière de crashs sensationnels, notre héros a pas mal donné tout au long de sa carrière. Je pense notamment à sa chute lors de la Senior TT 2010, un gadin dans la courbe de Ballagarey qui se négocie à plus de 270 km/h, et qui a transformé sa CBR de l’époque en une boule de feu.
« Guy Martin avait fait parler de lui en 2010 avec ce crash explosif. »
En 2015 l’icône des road races a aussi fait les frais d’un bon vieux high side, certes moins pyrotechnique mais tout aussi impressionnant. Surtout quand la « catapulte » est une S1000RR de plus de 200 ch ! La scène se passe lors de la Dundrod 150, une course de Superbike en lever de rideau de l’Ulster GP. Guy mène la course depuis quatre tours quand à la sortie de Ireland’s Corner il se fait violemment éjecter de sa BMW.
« Quatrième tour de la Dundrod 150 édition 2015 : Guy Martin s’envole dans Ireland’s Corner. »
Après être monté en l’air à près de 150 km/h, notre ami se retrouve embarqué dans un roulé-boulé infernal. Heureusement pour lui la sortie de ce virage est bordée d’un champ où aucun obstacle ne peut venir stopper brutalement sa course folle. Malgré cela l’infortuné est relevé avec de nombreuses fractures, notamment au sternum, aux côtes, à une main et surtout aux vertèbres T4 à T9. Pour bien réaliser la violence de cette gamelle, il faut la voir en vidéo…
Guy avouera par la suite que cette chute est sans aucun doute la plus grosse taule de toute sa carrière. D’après lui, sa mise sur orbite est due à une intervention brutale du Traction Control de la machine, qui aurait interrompu un peu trop sèchement une petite glissade à la ré-accélération. Quoi qu’il en soit, il a été profondément marqué par cette mésaventure, et n’a que très peu apprécié la semaine d’hospitalisation qui s’en est suivie. Au point que quelques mois plus tard, le britannique a déclaré au magazine Performance Bikes qu’il mettait un terme à sa carrière de pilote de course sur route, préférant se consacrer maintenant à ses autres activités, car il a désormais de nombreuses cordes à son arc. Ce petit « pépin » à l’Ulster GP l’aura tout de même privé notamment d’une tentative de record à Bonneville avec le streamliner de Triumph North America, un cigare à roulettes motorisé par deux moteurs de Rocket III pour une puissance annoncée de 1000 ch ! La vitesse à atteindre, elle, se situe aux alentours de 605 km/h, pas moins.
« Le prochain défi de Guy Martin : battre un record de vitesse avec la « fusée » de Triumph USA. »
Il aimerait également pouvoir consacrer plus de temps à une autre de ses passions : le VTT. Il a notamment l’intention de participer à la Tour Divide 2016, une course amateur de mountain bike à travers les Rocheuses, du Canada au Mexique, un test d’endurance extrême de plus de 4000 km qui réclame une préparation physique de pointe. Une chose est sûre : même loin des road races on n’a pas fini d’entendre parler de Guy Martin.
« Le VTT tient une bonne place parmi les nombreux centres d’intérêts de Guy Martin. »
Evidemment, la personnalité hors du commun de notre camarade a fini par attirer les médias grand public. Ainsi Le film « TT3D: Closer to the edge » sorti en 2011 (et recommandé par UPDLT !) lui a ouvert les portes des chaînes de télévision, plusieurs d’entre elles ayant alors souhaité créer des émissions reposant sur les multiples compétences de notre daredevil. La plus célèbre est la série « Speed with Guy Martin » de Channel 4 (dont un épisode consacré à sa Martek-Suzuki et à sa participation à Pike Peaks d’ailleurs…), où notre jeune vedette tente de battre toutes sortes de records de vitesse sur des engins bricolés par ses soins. Vous ne saviez peut-être pas, par exemple, qu’il est l’homme le plus rapide du monde sur un skeleton, cette luge qui se pilote à plat ventre.
« La série TV « Speed with Guy Martin », diffusée sur Channel 4, a fait connaître le pilote au grand public. »
Et là, je vous vois vous dire qu’avec cette nouvelle notoriété le mec a dû prendre la grosse tête. Ce serait bien mal connaître le personnage ! Il a, par exemple, rapidement revendu l’Aston Martin V12 Vantage qu’il s’était achetée avec l’argent de ses premiers contrats, pour s’offrir une Volvo Amazon de 1967 gonflée à 788 ch et capable de près de 330 km/h… Pas vraiment la caisse du nouveau riche frimeur genre joueur de foot. Et vestimentairement parlant, on peut dire qu’il reste fidèle à ses shorts de VTT et ses combinaisons de mécano.
« Un confortable bonnet, un break Volvo hyper préparé, et surtout du thé en quantité : le quotidien de Guy Martin. »
Voilà finalement ce qui nous plaît chez Guy Martin : malgré une popularité dépassant aujourd’hui le cadre de la moto, il a su garder les pieds sur terre et rester un type simple. Par ailleurs, et même s’il semble pour le moment avoir tourné cette page, il aura roulé plus qu’aucun d’entre nous avec « un pneu dans la tombe ». Il mérite donc amplement son titre de personnalité UPDLT de l’année, bravo à lui ! Et nous lui souhaitons bien évidemment plein de réussite, pour les nouveaux défis dans lesquels il a décidé de se lancer. Des aventures qui seront relatées sur son site officiel ? Affaire à suivre…
P.S.: Internet est ainsi fait que je ne suis pas en mesure de créditer tous les auteurs des clichés qui illustrent ce papier. Je peux bien mentionner Sam Christmas, Roo Fowler, Paul Bryant… Mais il en manque certainement beaucoup et j’en suis sincèrement désolé ! D’autre part, je souhaite remercier Jérôme Pierre, pour m’avoir fait confiance pour la rédaction de cet article.
J’étais pas au courant qu’il arrêtait la course sur route, c’est dommage. Mais comme dit dans cet article GM est vraiment hors du commun, et nul doute qu’il nous surprendra, nous émerveillera, encore avec ses prouesses.
:)
Un sportif couillu, hors pair, que j’ai admiré à travers pas mal de vidéos.
Guy Martin, avec ses nombreuses participations au TT et autres road races, son courage et sa simplicité…
Une icône de la moto !
Et un grand Monsieur qui reste pourtant accessible.
Très professionnel dans ses préparations et réglages, il mérite le plus grand respect pour les défis sportifs divers qu’il relève, et ses exploits exceptionnels en course.
Je suis particulièrement admiratif devant ses vidéos de l’Ile de Man, où peu de pilotes de Moto GP viennent se frotter.
Bravo, Guy, t’es un des plus grands du Tourist Trophy, et merci pour ton courage exemplaire.
J’aime aussi l’arsouille, mais à un niveau beaucoup plus limité, la route en temps normal n’étant pas un circuit.
Philippe (et ses GSX-R), Saint-Jean-de-la-Ruelle (France).