Un ovni qui roule, cependant, conduisant même notre camarade au boulot. J’ai vu légions de commuters en Goldwing, mais lui fonce au taf en « Dragwing » !
Note du taulier :
Comme promis le mois dernier, voici un nouvel article déjanté signé Mathieu. Tendez l’oreille en même temps que vous lisez ! Alors vous entendrez "Les échos d’un trou à rats"…
Et la tempête se lève et les grains de sables s’hérissent à grenailler les moindres éléments verticaux à l’aplomb du vent qui les propulse. Depuis ça ; ça et ça. Il s’est passé tant de choses. Si bien que personne ne se soucie plus du temps qu’il fait dehors. Parce que dehors y a plus personne. Tous craignent le vent. Tous craignent la poussière.
Il ne reste que lui. Le Chevalier Noir. Au ras du sol, à l’exacte latitude où l’air est encore potable. Entre le ciel lourd d’arsenic et la foutue poussière assassine. Les 4 cylindres à plat, culasses saillantes, exposées au fracas comme une figure de proue sculpturale qui nargue l’affront. « Dragwing » du désert qui court ventre à terre pour exercer sa prédation. Au milieu des coyotes et des pumas. Adaptée à son milieu, attaquée par un métabolisme qui lui fait perdre son réservoir, son faisceau, ses carénages et rondeurs. Ascète d’un cheval de fer martelé par la viande trop dure et la chasse trop rare. Dont l’ablation des éléments accessoires, lourds et denses, fruits d’une ingénierie nippone alors à son age d’or permet une vivacité presque hors de propos.
Monture menée d’une main de maître par son cavalier, élément quasi porteur d’une structure épurée. Maintenant ses axes de roue écartés par la force des paumes et des semelles. A bout de bras, au bout de sa démarche. Sans qu’il soit, ne serait ce que par sa posture, possible de faire demi-tour face à l’obstacle. A cru sur une moto sans selle, qu’il monte à même le métal, Le Chevalier Noir lacère du trait de ses roues en 2 hémisphères le sol vierge de la plaine où les cendres se sont appesanties. Empruntant tant aux side-cars de course qu’aux dragsters véloces que les hommes construisaient autrefois. Aux trains à vapeur dont la bielle de sélecteur gargantuesque évoque la cinétique des roues, aux cigares NSU des lacs salés. Avant la nuit, avant la guerre et la poussière.
Les bonbonnes extinctrices paradoxalement chargées d’alimenter les capsules explosives du moteur japonais. Là où les tristes éléments à dépression d’origine ne respiraient que la défaite, 4 cheminées de carburateurs Decade double-corps, répliques de Webber, inspirent à la verticale l’air vicié de la plaine où périclite le putain d’écosystème. Hérissées comme des tubas. Aspirant l’air admissible dans un son gras et caverneux. L’intérieur écarlate des trompettes reflète les rares rayons de soleil ayant réussis leur percée au travers du nuage. Leur couleur sanguine excitant par infrarouge les molécules d’oxygène enrichissant le mélange de gamma boursouflés comme des grains de maïs. Les longues portées se chargeant de percer la nuit lors des expéditions punitives. La nuit qui depuis la belle époque n’est plus qu’un filtre sombre sur le gris des journées qui défilent.
Ses roues sont désormais seules forces antagonistes, seules objections verticales au vent. A la poussière qui détruit tout depuis qu’ici le monde n’est qu’un désert. Comme « Babushka » qui revient de l’Est, depuis qu’errent sans but les égarés, dans des manœuvres martiales désuètes, à la recherche d’une éclaircie.
Toisant la noirceur du contexte d’un optimisme sans faille dans sa combinaison anti-gravité.
Le Chevalier Noir est aussi de ceux-là.
P.S.: Merci à Motor Rausch pour les images, capturées à l’occasion de Wheels & Waves 2015. Et pour ceux que cela intéresse, sachez que l’on avait déjà publié une bécane de Loïc (a.k.a. Le Chevalier Noir) dans le passé, une Yamaha SR 500 d’inspiration dirt track en l’occurrence, très éloignée de cette Goldwing, pardon, de cette « Dragwing », qui de toute évidence file à notre preux camarade le sourire, une banane à mon avis communicative. Bonne route, brigandeau !
Mais quelle écriture !
Bravo, c’est vraiment bien rédigé.
Magnifique hommage à notre langue française pseudo-disparue.
Merci.