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Une Suzuki 1200 Bandit cafe-racer, sortie de chez Taverne Motorcycle...

Une Suzuki 1200 Bandit cafe-racer, sortie de chez Taverne Motorcycle…

Sur une base à laquelle on pense peut-être trop rarement, les mecs de Taverne Motorcycle ont pondu un truc atypique, osé. Voici leur Suzuki 1200 Bandit cafe-racer !

Note du taulier :
Cette fois c’est une Suzuki 1200 Bandit cafe-racer, une bécane estampillée Taverne Motorcycle qui a inspiré Mathieu. Notre camarade a donc laissé un instant "Les échos d’un trou à rats" de côté, pour nous livrer une tranche de vie imaginaire, nous conter l’histoire d’un nouveau lascar fictif, Nestor, dont les péripéties feront l’objet d’une petite série : "Sang Plomb 95".
Pour ceux qui resteraient malgré tout attachés au réel, au concret, un bref descriptif technique et quelques images du chantier sont visibles sur le site de l’atelier :
http://www.taverne-motorcycle.com/suzuki-bandit-1200-tm
Quant aux photos qui illustrent cet article, elles sont signées Arnaud Rastegue.

Sur la route fallait faire gaffe, coincé entre l’abrasif état de surface de l’asphalte et le panache toxique des raffineries, des aciéries, des incinérateurs. Ces trucs qui avaient balafré les Martigues de Fernandel, la cuisine au beurre, c’était devenu l’œil au beurre noir. Un cratère anthracite creusé par l’industrie lourde. Nom d’une pipe. 23h00, et Nestor remontait la voie rapide, empruntant le viaduc, celui qui faisait le grand écart au dessus d’un bras d’eau saumâtre, entre l’étang de Berre et la mer.

Un bandit sur un Bandit, parfait mimétisme entre la mécanique qui hurlait férocement dans les hauteurs du régime moteur, crachant ses gaz d’échappement comme un mollard sur le trottoir devant le peep show. Lui, les mains vissées sur les bracelets, parfait agencement bio-mécanique au bout duquel le Smith & Wesson crachait sa mitraille. Convertisseur de colère en puissance de feu. Quand l’alternative n’existait pas, quand il fallait prendre de l’air au travers de l’ennemi en y faisant des trous gros comme le doigt pour respirer. Qu’est ce qu’on pouvait faire à ça ? Que dalle.

En bas du viaduc, les ferrailleurs avec leurs dents en or chargeaient sur des péniches les détritus ferreux de la moitié de la région. Les rafiots enfoncés dans la flotte noircie par la nuit, à la limite de flottaison. Un peu plus loin les pêcheurs solitaires, éméchés sur des barques branlantes au milieu du canal, attendaient patiemment que ça morde au bout de la ligne.

Il descendait maintenant sur la zone industrielle, sur la gauche de la voie de gauche, nonobstant les limitations de vitesse destinées aux piétons, aux mecs du dedans, aux esclaves. Affranchi, déjà mort sur la moto plus d’une trentaine de fois, les radars automatiques l’immortalisaient en vain. Et même sous le casque Blauer à la visière teintée, Nestor, il faisait la gueule. Il était jamais content, parce que les mecs demandaient des crédits, puis des délais, puis un crédit pour avoir un nouveau délai, avant, juste avant d’aller tout balancer, exsangues, chez les flics ou à un tapin de garde le dimanche soir, sur la vieille route de Marseille. Rien de pire que ces mecs-là pour le business. Rien de pire que Nestor pour ces mecs-là.

Les lotissements battis à la va-vite sur la rocaille défilaient sur le coté droit de la route. De l’autre coté se dressaient les barres d’immeubles, où vivotait la main d’œuvre ouvrière. Entre missions d’intérim et propositions de CDI obscènes. Attendant déterminés le jour où ils traverseraient la putain de voie rapide, pour accéder à la propriété, un coin de terrain pour faire des distri’ sur des 406, un bout de terre pour faire pousser des tomates.

La Suzuki 1200 Bandit cafe-racer se déplaçait rapidement, apparaissant sporadiquement sous les réverbères. Bleue comme les gyrophares des condés, rouge comme le sang dans lequel il comptait noyer l’affront, un camouflage comme un autre. Cette bécane, elle était comme lui, juste ce qu’il fallait pour ne pas en faire trop. Trapue et véloce, sans verser dans le tuning. Parce que merde, Nestor, il avait une réputation à tenir. Et un profil bas qui générait 90% de la peur qu’il provoquait chez les caves.

Les mecs de chez Taverne Motorcycle avaient bien bossé. A la fois simple et efficace, comme son calibre. Nestor refusait encore de céder aux sirènes du semi auto, clamant son attachement au système revolver et méprisant tout ce qui ressemblait à un pistolet. Il adorait la forme cylindrique. Celle des pistons en aluminium, celle des filtres à air à la sonorité gutturale, comme si les aiguilles Dynojet des carburateurs étaient un foutu chat dans la gorge du moteur.

Ouais, la vie de Nestor c’était que ça, des cylindres pleins qui rentraient dans des vides. Des bastos dans un barillet, des pistons dans leurs chemises, un canon dans l’œsophage, des douilles dans le fion des pigeons, qui se faisaient repasser comme des amerloques quand ils venaient sur son territoire avec une affaire en or. Au delà des 140 km/h, il sentait l’air froid du soir lui rappeler combien il était encore, quelque part, plus ou moins vivant.

Un bandit sur un Bandit, c’est ça que verraient les mecs au point de rendez-vous.

Sûr qu’ils feraient dans leur froc.

A propos de Mathieu :

Né en 1987, dans un coin de bout du monde fondé par les bagnards et les parias. Réchappé des usines la tronche et les mains abîmées un soir de décembre. Monte à cru une Aprilia damnée des dieux, belle comme la mort, tout en propageant "Les échos d'un trou à rats", et en rejoignant UPDLT pour contrer l'axe du mal...

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