Baptisée « Raijin », en référence au dieu du tonnerre et des éclairs dans la mythologie japonaise, cette Yamaha XJR 1300 cafe-racer est la dernière née chez Stuntacusinage…
Tout juste ado il était déjà fou de moto. Un quart de siècle plus tard, rien a changé de ce côté. Aussi Alain ne regrette pas son parcours : d’abord un bac mécanique, puis un BTS conception de pièces, et pour finir une licence en gestion de projets ; lesquels lui ont permis de bosser une décennie en bureau d’étude. Jeune trentenaire en 2012, il a l’opportunité d’ouvrir son propre atelier ; c’est là que Stuntacusinage voit le jour. Depuis les projets s’enchaînent, et cette Yamaha XJR 1300 cafe-racer est le dernier piège sur lequel il s’est penché.
« En même temps que mes études je poursuivais l’idée d’élaborer un jour des bécanes. J’ai commencé par me fabriquer des pièces perso, armé d’une petite fraiseuse. Et quand elle m’a lâché j’ai investi dans plus gros. Mais rien de numérique, mon outillage reste traditionnel ! »
Et avec ses machines à l’ancienne, il sait en faire, des choses : rallonges de fourche ou de bras oscillant, tés ou biellettes sur mesure, toutes sortes d’axes, de supports, de raidisseurs ou de butées, commandes reculées, pontets, brides d’échappement, etc… Par conséquent, on le sollicite régulièrement pour l’adaptation de suspensions et de freins plus performants, et notamment pour la création de platines axiales ou radiales, parfois double voir triple étriers. Ce cas particulier parlera aux amateurs de stunt (s’il y en a parmi vous).
« Une fois le besoin recueilli, je me lance dans une modélisation 3D, calcule la résistance aux efforts, évalue les contraintes de réalisation, et soumet la forme à la validation du client. Je travaille essentiellement l’aluminium 7075, celui qu’on retrouve dans l’aéronautique. »
Baptisé Fortal (parfois Ergal ou Zicral), cet alliage offre une solidité comparable aux aciers courants, tout en étant grosso modo trois fois plus léger. Dans le cas présent notre camarade ne s’est pas contenté d’usiner de l’alu, il a également arraché de la tôle à un vieux capot, pour former le garde-boue avant, le bac à batterie et autres composants ( solidaire de la boucle arrière raccourcie), et surtout ce cul de selle minimaliste qui change radicalement la ligne de ce piège ! La tendance est au recyclage, et le domaine de la préparation à la carte n’y échappe pas comme vous pouvez le constater.
« Plus les projets me semblent fous, plus je fonce ! Cela me permet d’acquérir des compétences supplémentaires au fil de l’eau : formage, soudure… Mais aussi en mécanique ou en électronique, par exemple. En fait, j’apprécie simplement d’apprendre chaque jour de nouvelles choses. »
Si le but était d’obtenir une totale autonomie, il resterait à notre semi-autodidacte deux sphères à explorer, deux compétences à acquérir : la peinture et la sellerie. Ici, la première a été confiée à Lvees Zking, une pointure locale qu’on ne présente plus, également chargé de personnaliser le casque assorti. La seconde a été déléguée aux établissements Dupire, à Englefontaine (59), lesquels ont confectionné cette assise en alcantara rehaussée de surpiqûres jaunes, faisant écho à la déco de la carrosserie. Notez, sur les bonbonnes d’amortos, le détail des manchons coordonnés !
« J’ai également sous-traité le décapage du bloc moteur, de cette Yamaha XJR 1300 cafe-racer. Une fois sablé au bicarbonate par l’atelier Aerogom, j’ai pu le repeindre intégralement en noir, et façonner un remplaçant au couvercle de pompe à huile d’origine, défectueux. »
Son premier savoir-faire a été bien utile, également, pour adapter le phare de Jeep dans un cuvelage approprié, le silencieux Akrapovic sur le collecteur Devil, et plus encore la fourche inversée de Kawasaki Z1000 et les jantes à rayons Kineo. Au centre du nouveau poste de conduite, le compteur digital est parfaitement intégré. Et de part et d’autre sur les bracelets, on trouve désormais des rétros embouts de guidons, des poignées modernes, un accélérateur Domino, des commodos Rizoma, et des maîtres-cylindres radiaux de chez Braking reliés à des durites aviation.
« Autant le PR19 allait nickel coté freinage, autant le PR16 était faiblard coté embrayage… Je n’arrivais pour ainsi dire pas à passer les rapports ! J’ai donc modifié le récepteur pour en réduire le volume, et maintenant on peut débrayer tout en envoyant moins de liquide. »
Le faisceau électrique a été entièrement refait, à partir d’un boitier m-Unit de chez Motogadget. Les éclairages qu’il alimente sont dorénavant full LED, jusqu’à la plaque d’immatriculation sur son support latéral (amélioré car dépourvu de système anti-rotation à la base). A l’arrière les clignotants ont pris place sur les suspensions YSS, à l’avant ils font carrément partie du feu (modifié pour leur permettre de fonctionner indépendamment). La mise en route, elle, répond à une nouvelle procédure que je vous invite à découvrir dans la vidéo bonus.
« S’il y en a que ça intéresse, j’ai aussi posté tout un album sur Facebook, avec pas mal de photos des travaux réalisés. Qu’est-ce qu’on a oublié d’évoquer ? Les commandes reculées, les caches latéraux maison, les filtres K&N et le kit Dynojet, la batterie lithium-ion… »
Perso je m’attarderais sur les pneumatiques, des ContiRoadAttack 2 ; un choix qui a fait débat ! J’avoue avoir été surpris par la critique sur ce point. Et pour cause, ma propre FZ 750 est équipée des mêmes boudins, et je n’ai aucun reproche à leur faire… Il faut dire que l’offre est limitée, face aux dimensions exotiques, rétro (18 pouces à l’arrière), et que je me suis fié au conseil de pistards pilotant des oldtimers. Pourvu qu’Alex, le proprio de cette Yamaha XJR 1300 cafe-racer, en soit aussi content que moi. Quoi qu’il en soit, je le remercie pour ces photos qu’il m’a fait parvenir (il en mettra sûrement d’autres en ligne au fil de l’eau sur son compte Instagram).
Quant à Alain, il s’est déjà remis au boulot entre les murs de Stuntacusinage, aux portes du parc naturel régional de l’Avesnois… Il faut que je trouve l’occase de lui rendre visite, car c’est un endroit où j’aime me dégourdir les bielles !
P.S.: En publiant cette vidéo, Alain nous permet de découvrir plus en détail le fonctionnement de sa dernière oeuvre : les étapes de la mise en route, l’efficacité des clignotants, la sonorité du moteur… Elle chante, cette Yamaha XJR 1300 cafe-racer !
Une très belle réalisation d’Alain Charpentier.