Ce n’est pas tous les jours que l’on enfourche une moto dix ans plus vielle que soi, et encore moins une icône classique (voir mythique) comme la Honda CB 450 "Black Bomber"…
Cela vous surprendra peut-être, mais il est somme toute assez rare que l’on me propose de tester une vraie bécane « à l’ancienne, piégeuse, bruyante et caractérielle »… Alors, quand Maxime (inconscient ?) a lancé sur mon réseau social préféré : « Une Honda CB 450 "Black Bomber", qui aimerait essayer ? » ; tu parles que j’ai sauté sur l’occase à pieds joints ! Quelques jours plus tard, je le rejoignais devant l’ancienne ferme rénovée depuis laquelle il photographie ses motos. Si vous suivez sa page Facebook, vous voyez les images dont je veux parler…
Il faut dire que notre camarade commence à avoir une certaine notoriété. Et cette réputation, il la doit à sa capacité à dénicher les plus belles machines de collection, dans des états bien souvent exceptionnels ! Du deux temps, du quatre temps, principalement des Japonaises des années 60 à 80, disons. Parfois il prend aussi sous son aile des spécimens pleins de potentiel mais complètement laissés à l’abandon, n’ayant pas reçu le dixième des soins qu’ils auraient mérités. S’ensuit alors un processus minutieux de restauration, lequel peut les occuper de longs mois lui et Bruno, son collègue.
C’est ainsi par une belle fin de journée ensoleillée que je suis venu garer ma FZ dans son allée de gravier, juste à côté de ce bijou nippon. Hormis leur pays d’origine, elles n’ont rien en commun. La sienne est toute menue, quasiment dépourvue de plastique, et surtout elle brille de mille feux ! Avant de la placer ici en dépôt vente, son proprio a dépensé sans compter pour la remettre en état concours. Le budget chromage à lui seul m’a collé des sueurs froides… Et quand tu sais que certaines pièces de ce modèle sont devenues introuvables, comme les jantes DID d’époque par exemple, tu comprends que t’es face à quelque chose de vraiment très précieux.
Les connaisseurs auront noté qu’il s’agit d’une K0, un exemplaire de la toute première génération qui fut commercialisée de 66 à 68 ; la plus belle à mon avis ! Les suivantes ont bénéficié d’améliorations diverses : boite de vitesses à cinq rapports, embiellage modifié, pistons offrant plus de compression, fourche repensée, cadre renforcé dans sa partie supérieure… Et même frein à disque, dès 1970 outre-Atlantique, et chez nous sur le millésime sorti en 1972, la dernière version qui tire le rideau deux ans plus tard. Mais chaque mise à jour est venue, me semble-t-il, diluer le charme exceptionnel de la série d’origine. Et au final, les performances ont peu évolué avec le temps, la puissance passant seulement de 43 ch (à 8500 tr/min) à 45 ch (à 9000 tr/min), et le couple de 3,82 m.kg (à 7250 tr/min) à 3,88 m.kg (à 7500 tr/min).
Cela parait peu aujourd’hui, mais à l’époque, un ratio de presque cent chevaux au litre forçait carrément le respect, et tenait la dragée haute à la concurrence ! D’ailleurs, lors de sa présentation en 1965, ce nouveau bicylindre « Dream 450 » ne manqua pas d’impressionner les journalistes présents. Double arbre à cames en tête, rappel des soupapes par barres de torsion, épurateur d’huile centrifuge, carbus à dépression… Autant de caractéristiques sophistiquées jusque-là réservées aux engins de compétition, et que l’ingénieur Yoshido Harada avait pris le parti d’intégrer sur une moto de série en devenir.
Avec cette Honda CB 450 "Black Bomber", la marque ambitionnait de pénétrer le marché U.S. ; mais l’adage ricain « the bigger, the better » limita sa conquête de l’Ouest, et poussa rapidement la firme à développer la 750 Four. Et pourtant, tout ce qui est petit est mignon, non ? Sérieusement, ici en tout cas c’est comme ça que je le vois, a fortiori parce que chaque périphérique est parfaitement proportionné sur cette machine. Du feu arrière aux commodos, des poignées aux garde-boue galbés et enveloppants… Tout est d’une finesse inhabituelle, et complète l’élégance de l’ensemble déjà créée par la forme atypique de la selle, du réservoir et des échappements, les amortos carénés et les clignotants aux abonnés absents, les magnifiques tambours, ou encore le sublime tableau de bord intégré au phare.
Cela dit, au moment de l’enfourcher, sûr que son gabarit de 125 est plus approprié à ma taille modeste et à mon poids moyen, qu’à la carrure de rugbyman de Maxime. Entre ses pognes, cette moyenne cylindrée aurait presque l’air d’une mobylette. Tandis qu’entre les miennes, ses mensurations sont parfaites. Et me voilà donc lancé sur les routes de campagne, dans la roue de ma propre bécane qu’il dirige vers la frontière belge, en quête d’un troquet qui proposerait de la bonne bière à vil prix.
Tranquillou dans un premier temps, je me familiarise avec le caractère du twin, et avec le double came en rodage à l’avant, très progressif, heureusement secondé par un frein arrière offrant plus de mordant. C’est que la conduite coulée et l’anticipation sont de mises, sur ces chemins de traverse, le son des pots, même filtré par le casque, couvrant aisément celui d’une machine agricole, et une moissonneuse-batteuse ayant vite fait de vous embrocher dans un virage aveugle… Je m’en voudrais de froisser cette moto à la valeur pour moi inestimable !
Sitôt que l’on retrouve une belle départementale, le rythme s’accélère. Je découvre alors que le gros du couple débarque en même temps que les vibrations, aux alentours de 6000 tr/min. 60, 70, 80… Mais pourquoi est-ce que j’ai l’impression d’aller une fois et demi plus vite !? Le con ; le compteur est en miles par heure, bien sûr. Do the ton ! En flirtant avec la zone rouge, on peut effectivement atteindre les 160 km/h. Mais très franchement, je n’ai même pas poussé jusque-là. D’abord cela donne l’impression de forcer, de tirer sur quelque chose que l’on a vraiment pas envie de casser. Ensuite châssis et suspensions ne sont pas des modèles de rigueur, n’incitent pas vraiment à l’attaque.
Tandis qu’en enroulant sur la première moitié du régime dispo, on profite à plein de l’ambiance rétro et d’un confort agréable. On prend le temps de mieux lire le compteur et le compte-tours, délicieusement vintage. On use de son extrême agilité, due à un poids plume et des roues fines. On profite du paysage de vaches broutant dans leurs près, immuable. On voyage dans le temps, retrouve l’insouciance d’une époque caractérisée par le plein emploi, la soif de liberté, et la promesse d’un avenir radieux. C’est beau, putain. On va pas vite, mais on va bien.
C’est clairement de cette façon que je l’ai particulièrement appréciée, et tant pis si c’est à rebours de la vision de l’époque qui considérait cette Honda CB 450 "Black Bomber" comme une machine sportive. Pour arsouiller, Temps 2 Chauffe a d’autres choses à proposer : GPZ 750, 900 Z1 ou Z1000R par exemple. Nous aurons sûrement l’occase d’en reparler, Kawa restant la marque de prédilection de notre camarade et de son acolyte.
En attendant, je vous laisse avec les quelques photos que l’on a prises ce soir-là. Une meule parmi les meules, l’idée nous a amusés. Par chance elle a aussi fait sourire l’agriculteur et son fils qui ont débarqué en plein shooting, et avec lesquels on a pas manqué de sympathiser, au milieu de celui de leurs champs dans lequel on s’était invité. Y a pas, la bécane « à l’ancienne, piégeuse, bruyante et caractérielle », ça rapproche.
Magnifique !
C’est la moto qui a fait naître la passion des deux roues chez moi.
Bien que je n’avais que 9 ans en 68, mon père m’a acheté un kit miniature (de la marque anglaise Airfix) de cette moto pour Noël.
Une fois montée, je l’ai gardée sur mes étagères pendant des années…
Ça fait plaisir d’en voir une en aussi bel état ; noir et chrome, tout est dit.
Avec de bons vieux TT100 montés dessus, classique.
Pareil que toi !
C’est également ma première maquette moto.
Airfix, je connaissais bien leurs maquettes d’avions.
Ce que j’aime le plus sur cette 450, c’est la beauté de son moteur double arbre bien plus high tech que les twins anglais à l’époque.
Vraiment élégante en noir, félicitations pour cette superbe restauration.
Elle est dans un état splendide, superbe moto, vraiment belle.
Tous ces chromes en parfait état, les détails en photo ne souffrent d’aucune négligence.
Et avec une motorisation comme celle-ci, on se fait plaisir à allure raisonnable sans pour autant se traîner la mite.
Une plaque d’immatriculation noire à l’ancienne serait un détail à changer.
Pour moi, c’est le Graal.
Je possède deux de ses petites sœurs : une CR321, de 49,9 cm3, et une S90.
Mon rêve est d’acquérir également une « Black Bomber », mais le prix… Ouille-ouille-ouille !
J’en vois bien une actuellement en vente, dans un état proche de celle-ci, mais à 13000 euros.
Quoi qu’il en soit très beau résumé, bravo et merci.