On ne le présente plus, ni ne compte ses réalisations qui ont retenu notre attention ; David, a.k.a. Daddygraph, nous soumet cette très belle Yamaha XS 500 customisée !
Il est des artisans (ici on peut même parler d’un artiste !) que je ne prends pas la peine de solliciter pour écrire à leur sujet. D’abord parce que je suis déjà débordé. Ensuite parce que leur notoriété est telle, et leur travail tellement relayé dans la presse traditionnelle, que je me dis qu’ils n’ont pas vraiment besoin de mon support perso. C’est le cas notamment de Daddygraph, dont j’apprécie évidemment le boulot même si vous en entendez finalement trop peu parler sur UPDLT. Mais voilà que notre camarade m’a lui-même contacté cet été, parce que l’une de ses réalisations n’avait obtenu qu’un timide écho via son réseau habituel. Pensez donc, il s’agit d’une Yamaha XS 500 customisée ! Eh oui, difficile d’exister dans un milieu n’ayant pas encore fait son deuil du rêve américain, quand tu es ni une Indian ni une Harley…
Bon, j’avoue, à ma propre vigilance elle avait échappé. Les derniers de ses chantiers qui étaient venus me percuter la rétine ? Un réservoir de digger sur le thème du flipper, et celui d’un chopper affichant un vitrail inspiré des rosaces de nos cathédrales ; superbes ! Pas étonnant qu’il ait toujours les honneurs de nos magazines préférés, et que nombre de constructeurs et autres préparateurs fassent appel à lui, avec un talent pareil. Récemment, Vince Racer par exemple :
David est un gars à l’ancienne (comme les machines « piégeuses, bruyantes et caractérielles » qu’il trafique ?). Là où d’autres m’envoient des dossiers de presse dignes d’une agence de com’, lui préfère qu’on se parle directement au téléphone. Soit ; quel meilleur moyen de faire connaissance ? Se retrouver autour d’une bière, bien sûr, néanmoins ici comme souvent la distance est un handicap. D’ailleurs, à l’entendre chanter les syllabes comme on le fait dans le Vaucluse, je me dis que mon putain d’accent ch’ti a du l’amuser. Passons… Après une heure d’échange, à discuter de tout, de rien, et non seulement de cette moto, voici la partie que je peux vous livrer.
« J’exerce officiellement depuis seize ans maintenant. Plus qu’un métier, c’est une passion. J’ai toujours aimé dessiner, mais je n’avais pas envie de me farcir les Beaux-Arts, du coup j’ai choisi le cursus de peintre en lettres. Après l’armée j’ai été routier pendant treize ans, et c’est le week-end que je me perfectionnais. Aérographe, pinstriping, metal flake, lettering, feuille d’or… Aujourd’hui je peux tout faire. »
Perso j’avoue un faible pour l’effet craquelé qu’il dégaine de temps à autre. Un truc que les produits dédiés peinent à rendre vraiment, apparemment, mais que notre expert obtient à force de patience et de scalpel. Cependant point de ça ici, car cette Yamaha XS 500 customisée affiche surtout des paillettes ! Une déco métallisée au top, évidemment, une démonstration de savoir-faire pleine de détails colorés. Ainsi mis en valeur, le réservoir type Wassell, fermé par un bouchon Monza, se remarque d’autant plus que le reste est d’une grande sobriété. En effet, vous aurez remarqué que les parties cycle et mécanique sont presque intégralement noires.
« Le bloc nécessitait quelques soins… Certaines ailettes du bicylindre étaient cassées, par exemple. Je les ai toutes arrondies, et puis polies après application d’un revêtement vermiculé. Les différents carters ont été lissés, les logos de la marque effacés, avec un mélange d’alu en poudre et de résine, avant de recevoir une peinture brillante. Point faible de ce modèle, la culasse avait ses portées faussées. Par chance j’en ai trouvée une autre dans une casse d’Avignon. »
Dénicher les bons segments fut un peu plus compliqué ; il aura fallu les commander en Jamaïque via eBay. Les joints, eux, sont arrivés de Hollande, l’autre pays du… Fromage. Tandis que le kit de réfection des carbus est importé d’Angleterre. Que ferait-on sans Internet ? On pourrait toujours se fabriquer des pièces maison, me direz-vous. C’est du reste ce que Pepinox a fait en concevant cet échappement original imaginé par David, en inox. Son silencieux occupe l’espace resté vacant à l’arrière, devant la jante à rayons de 16 pouces, une Borrani à profil en H chaussée d’un Avon Safety Mileage. Son cousin le Speedmaster enrobe, lui, la roue avant de 21 pouces chipée à un trail Yamaha.
« J’ai associé cette dernière au frein à tambour d’une Honda CB 350. Cela a nécessité d’usiner un axe et des entretoises sur mesure. Tandis que pour l’autre moyeu j’ai du confectionner une couronne avec deux. Laurent, de Zen Motorcycles, s’est chargé de raser et raccourcir la fourche. Et c’est Zed (Note du taulier : requiescat in pace…), de Freeway Magazine, qui m’a soufflé l’idée des amortisseurs factices. »
Notre camarade souhaitait poser la découpe de la coque au plus près du boudin. Habituellement cela implique la pose de struts, toutefois pour des raisons esthétiques, décision a donc été prise ici de rigidifier des suspensions. Au détriment du confort, bien évidemment, mais c’est un parti pris comme un autre, les amateurs de hardtails ne me contrediront pas. Avec une assise aussi ramassée, il a bien fallu tronquer la béquille, et revoir la position des cale-pieds. La forme des nouveaux, tournés par un de ses potes, évoque le manche d’une batte de baseball, et une patte de déport les place quelques centimètres plus bas. Quant à la sellerie, elle est signée Marina Liuti.
« C’est une nana dont j’ai fait la connaissance sur une concentre, et qui restaurait de superbes fauteuils club. J’avais envie de lui faire de la pub, et cette bécane est justement une sorte de carte de visite. Elle me permet d’avoir une moto à exposer sur les évènements auxquels je participe, sans emprunter celles de clients… Et risquer de les voir esquintées ! Il m’arrive d’ailleurs aussi de swaper le bidon pour offrir de la visibilité à un de mes sponsors. »
Dans la version que je vous présente ici, cette Yamaha XS 500 customisée a été élue « Best metric » au Kustom Show de Tours en 2015. Comme quoi, on peut encore espérer gagner un prix sans forcément dégainer l’outillage en pouces… Il faut dire que David n’a pas lésiné sur la finition. Le bras et le cadre ont été épurés, et ces derniers abritent même les câbles d’un faisceau électrique très simplifié. A l’avant il alimente un phare antibrouillard Marchal qui était fixé sous un pare-choc, et se retrouve maintenant suspendu à une patte en alu ajourée. A l’arrière le feu installé présente un verre en forme de casquette, un élément rare qui doit dater des années trente.
« Je l’ai peint moi-même avec un rouge très dilué, sur les trois quarts seulement pour simuler un éclairage de plaque. Les fils de bougies NGK et les durites d’essence sont assortis. La première indique le niveau. La seconde intègre le robinet et un filtre destiné à un tracteur. Le bouton sous la selle, voisin des interrupteurs de contact et de lumière, active le démarreur. Son sertissage en laiton fait écho aux écrous borgnes disséminés sur la moto. »
Cette machine lui a été filée tournante, mais dans son jus. Et à l’entendre elle présentait alors une déco douteuse datant probablement de Mitterrand, un truc à base d’éclairs tout juste bon à orner un manège de fête foraine. Relookée à sa sauce, pour un budget dérisoire, perso je la trouve carrément cool. Sa ligne générale est plutôt rock ‘n’ roll, certains de ses détails assez remarquables. Vous aimeriez que Daddygraph taille un costard sur mesure à votre bécane, votre casque, votre bagnole, votre guitare… ? Je crois que notre camarade est déjà pas mal occupé ; néanmoins ça ne coûte rien de le contacter et de lui soumettre votre projet !